En 2021, Meta investissait plus de 10 milliards de dollars dans le développement de mondes virtuels. Cinq ans plus tard, la rentabilité reste incertaine malgré des promesses initiales de croissance exponentielle. Des géants comme Microsoft et Google ont réduit leurs ambitions, tandis que certaines plateformes ferment ou se réorientent.
Les usages professionnels peinent à dépasser l’expérimentation, et la majorité des utilisateurs délaissent les espaces immersifs au profit de solutions plus classiques. Les indicateurs financiers témoignent d’un secteur encore fragile, oscillant entre innovations technologiques et réalités économiques décevantes.
Le métaverse, cinq ans après : où en est-on vraiment ?
Cinq ans après la mise sur orbite du métaverse par Mark Zuckerberg, l’effervescence d’hier s’est transformée en prudence. Les chiffres livrent une réalité plus contrastée. Meta Quest et Horizon Worlds peinent à séduire au-delà d’un cercle restreint d’initiés. Les ventes de Meta Quest 3 ne décollent pas, en décalage avec les ambitions affichées lors de son lancement. L’image d’un monde virtuel universel, ouvert à tous et fourmillant de vie, se heurte à des obstacles tenaces : adoption confidentielle, interfaces qui laissent à désirer, contenus pauvres, lassitude des expériences immersives. Ni la réalité virtuelle, ni la réalité augmentée n’ont supplanté les usages classiques de l’internet.
Si l’on regarde du côté des technologies, la grande convergence entre blockchain, NFT, Web3, IA générative et 5G n’a pas encore eu lieu. L’interopérabilité vantée par les acteurs du secteur demeure largement théorique. Les plateformes phares ne réunissent que quelques centaines de milliers d’utilisateurs actifs, parfois moins.
Le développement du métaverse se poursuit mais à un rythme mesuré. Apple a fait son entrée avec le Vision Pro et mise sur une expérience premium. Pourtant, le prix élevé et l’incertitude sur l’utilité réelle de ces dispositifs freinent leur diffusion. Le secteur tâtonne, pris entre annonces spectaculaires et difficultés à convaincre durablement.
Les usages professionnels du métaverse restent concentrés sur la formation, les outils collaboratifs ou l’événementiel virtuel. Pour le grand public, l’adhésion ne suit pas. La promesse d’un internet immersif reste, pour l’instant, cantonnée à la sphère des concepts.
Entre ambitions démesurées et réalités économiques : le bilan des géants du secteur
Meta occupe une place à part dans cette course. Mark Zuckerberg a voulu imposer sa vision du métaverse comme nouveau socle numérique. Reality Labs, la filiale dédiée, a absorbé près de 46 milliards de dollars depuis 2019, selon les rapports trimestriels. Un chiffre qui donne le vertige. Pourtant, la division accumule les pertes : plus de 16 milliards de dollars en 2023. Les ventes de Meta Quest existent, mais ne bouleversent pas l’équilibre du marché. Même chez Meta, la rentabilité se fait attendre.
Chez Microsoft, la stratégie a évolué. Après la fermeture d’AltspaceVR début 2023, l’entreprise redéfinit ses priorités, misant désormais sur la réalité mixte à usage professionnel et sur l’intégration de l’IA générative à ses solutions. Apple, quant à lui, avance avec prudence : Vision Pro cible le segment premium et s’inscrit dans un écosystème fermé.
Dans le paysage des plateformes, certains acteurs tirent leur épingle du jeu. Prenons Roblox ou Epic Games avec Fortnite : leur force réside dans des communautés engagées et un modèle économique solide. Pas de casque obligatoire ici, mais une expérience immersive, accessible sur différents supports. Nvidia et OpenAI, eux, misent sur l’infrastructure et le développement logiciel, sans chercher à conquérir le grand public de front.
Les projections d’un marché de la réalité virtuelle à plusieurs centaines de milliards de dollars restent à ce stade dans l’ordre de l’hypothèse. Les acteurs peinent à trouver l’équilibre entre adoption massive, modèle économique pérenne et renouvellement de l’expérience utilisateur.
Pourquoi la rentabilité du métaverse divise experts et investisseurs
La rentabilité du métaverse soulève débats et méfiance. D’un côté, les cabinets de conseil comme McKinsey ou Citigroup annoncent des perspectives gigantesques : des milliers de milliards de dollars de valorisation à la clé dans la décennie à venir. De l’autre, les résultats financiers rappellent à l’ordre. Les pertes colossales de Meta, les projets avortés chez Microsoft, la méfiance persistante des investisseurs : difficile de faire oublier la dureté des chiffres. La notion de réussite ou d’échec dépend largement de l’angle sous lequel on observe le phénomène.
Le vrai clivage se situe sur l’usage. Les partisans du métaverse y voient un terrain de test pour de nouveaux modèles d’e-commerce ou de revenus numériques. Des marques comme Nike, Gucci ou Adidas expérimentent la monétisation de leur image dans ces univers. Pourtant, le public concerné reste limité. À titre d’exemple, Statista recense moins de 500 000 utilisateurs actifs par mois sur Horizon Worlds, bien loin des ambitions proclamées. Les investisseurs traditionnels, échaudés, attendent des résultats tangibles qui tardent à venir.
Les modèles économiques divergent. Certains misent sur la vente d’objets virtuels, d’autres sur la publicité immersive ou l’organisation d’événements exclusifs. La question sous-jacente reste la même : comment convertir l’engagement en revenus, comment soutenir la croissance sans injection massive de capitaux ? À ce jour, la rentabilité du métaverse semble hors de portée pour la plupart des acteurs.
Vers un nouvel élan ou la fin d’une illusion ? Les scénarios possibles pour l’avenir
Le métaverse se trouve à un moment charnière. Plusieurs trajectoires se dessinent, nourries à la fois par les avancées technologiques et les obstacles rencontrés. Pour s’imposer, il devra quitter le registre du fantasme et apporter des réponses concrètes, loin des mondes virtuels déserts.
Voici quelques scénarios qui émergent dans le débat actuel :
- La convergence technologique : Web3, intelligence artificielle générative et 5G pourraient, en se combinant, transformer l’expérience utilisateur. L’interopérabilité entre plateformes, la facilité des transactions via blockchain et cryptomonnaies, la création de contenus par les utilisateurs eux-mêmes pourraient ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques.
- L’émergence de la réalité augmentée : portée par des casques comme l’Apple Vision Pro, elle pourrait prendre le pas sur la réalité virtuelle, jugée trop complexe et coûteuse pour le grand public.
Mais la prudence domine. La spéculation autour des NFT et des terrains virtuels a laissé des traces. Les projets de développement du métaverse séduisent surtout les entreprises technologiques et certains investisseurs, mais peinent à convaincre les utilisateurs du quotidien. La réglementation européenne, en préparation, risque aussi de ralentir l’expansion de ces univers numériques en posant des règles strictes sur la gestion des données et des contenus.
Le secteur du marché de la réalité virtuelle s’interroge : le web métavers révolutionnera-t-il vraiment notre rapport au numérique ou restera-t-il confiné au rang de promesse non tenue ? L’avenir du métaverse se joue désormais à l’intersection de la technologie, de la régulation et de l’adhésion réelle des utilisateurs. Et, pour l’instant, le suspense reste entier.


